L'explosion de Cognin : feuilleton policier dans le Dauphiné libéré.

Publié le par collectifs de soutiens aux inculpés de Chambéry

 

Dans la nuit du 30 avril au premier mai, une jeune femme se tue et son compagnon est grièvement blessé dans une explosion près de Chambéry . L'enquête est confiée de suite à la SDAT.

Le 4 mai, la police perquisitionne Les Pilos, lieu de vie et d'activités autogéré. Les 11 personnes présentes sur place sont arrêtées et interrogées. Un habitant d'un autre squat est emmené à Paris et incarcéré, malgré le vide du dossier. Quelques jours plus tard, un autre se présente à la SDAT et demande à être entendu. Lui aussi sera mis en garde à vue, puis en détention provisoire.

 

Cette affaire fait l'objet d'un véritable feuilleton dans le Dauphiné : à chaque jour ou presque son épisode, avec sa dose de suspens, et ses éléments « nouveaux », vrais ou faux... Même on n'est pas à une contradiction près, même si pour avoir une « association de malfaiteurs », il faut faire fi de la présomption d'innocence, et divulguer des informations sans se poser la question des conséquences.

 

Dès le 2 mai, le journal accroche avec un gros titre : « Déflagration mortelle : ils manipulaient des explosifs ». L'article indique que « D'après les premières constatations des enquêteurs, l'hypothèse d'une erreur de manipulation dans la confection d'une bombe artisanale paraît la plus vraisemblable. » A l'heure ou le journaliste écrit, les produits « sont en cours d'identification ». L'affirmation qui sert de de gros titre n'a donc d'autre source qu'une hypothèse des policiers.

Quant au jeune homme, « ses jours ne sont pas en danger », même si dans un autre article du même numéro, l'accident a « couté la vie [aux] deux jeunes gens » !

 

Le lendemain, on revient sur l'affaire. L'article est intitulé « On a fait une connerie ». C'est ce qu'aurait dit Mickaël en demandant du secours. Cela confirme la manipulation d'explosifs. En plus des témoignages de voisins, premiers renseignements sur Zoé et Mickaël. « Elle avait été repérée au cours d'une manifestation dans les rangs des militants anarchistes ou altermondialistes. » et lui « fréquentait les mêmes milieux politiques »... On admire la précision. Et les amalgames, mais, nous y reviendrons.

 

L'édition du 5 mai mentionne la perquisition des Pilots, avec «  plus d'une centaine de militaires, de policiers, d'enquêteurs » mobilisés pour « investir le bâtiment », ça méritait en effet qu'on le mentionne. «  Sept garçons sont partis un à un dans les voitures de la PJ pour être entendus ; l'un d'entre eux est revenu avant même que le dispositif ait été levé. » Ce ne sont pas sept garçons, mais onze personnes, hommes et femmes qui ont été emmenées. Dont Raphaël, qui est toujours en prison. Comment le journaliste s'est-il renseigné pour faire son article ?

 

Mais où habitaient-ils ?

 

Parfois ensemble, parfois séparément, suivant les articles. Ou, dans « sur les trace de Zoé » (DL du 7 mai), séparément au début de l'article et ensemble à la fin.

Le 3, « Le couple était constitué depuis un an et vivait dans un fourgon depuis l'automne ».

Le 5 « Ils avaient habité dans un squat de Cognin pendant six mois, puis avaient été expulsés lorsque les recours avaient autorisé l'intervention de la police. Ils s'étaient ainsi rapprochés des "Pilos" de manière plus étroite. Pour repartir ensuite ailleurs. Entre un fourgon et un autre squat. » Rapprochés pour repartir ? Ils auraient donc vécu un temps aux Pilos ? C'est faux. Ni le couple, ni seulement Zoé, comme indiqué dans l'article du lendemain.

Et contrairement à ce qui est dit le 8 mai, Raphaël n' habitait pas aux Pilos non plus. D'ailleurs, ce « résident des Pilos » a été gardé à vue « en raison de sa présence dans un autre squat, surnommé « Château Chamouth » » (il habitait les Pilos, mais on l'a arrêté parce qu'il vivait au Château Chamouth ).

 

Le 9 mai, Raphaël «  cohabitait avec Zoé et Mikael et d'autres, dans un squat (...), entre Chambery et Cognin ». La veille, Zoé vivait, seule ou avec Mickaël, dans un cabanon de jardin, dans un autre quartier.

 

D'ailleurs, le 12, ils vivaient bien à l'adresse de Zoé. Toujours ensemble. Il faudra attendre le 20 mai pour que le Dauphiné dise enfin que Zoé vivait dans sa maisonnette, et Mickaël dans son camion.

 

Le Dauphiné oublie-t-il les articles qu'il publie la veille ? Jamais un mot pour dire qu'il y avait des erreurs dans le(s) numéro(s) précédent(s). Au mieux, on nous donne une version différente, sans préciser qu'on avait fait erreur avant (charge au lecteur de démêler les contradictions), au pire : rien.

 

Les changements d'un jour à l'autre (sur les lieux de résidence, par exemple) donnent au lecteur la sensation d'avancer « pas à pas » dans l'enquête avec la police. Ils révèlent par là même la principale source des journalistes. Il n'y a pas de recoupement des informations : les révélations de chaque source font l'objet d'articles distincts. La plupart sont basés sur la version policière uniquement et sans prise de distance.

 

 

 

 

 

 

Publié dans revue de presse

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